• Mon Amérique à moi

    Lorsque j'étais enfant, il arrivait qu'on envoit mon père dans le désert d'Arizona écouter si les moteurs d'avion avaient le même bruit là-bas qu'ici. J'imagine d'ailleurs avec amusement la confrontation entre technologie dernier cri made by dollar et bonnes vieilles compétences made in Normandie. Ils devaient lui parler cadrans, boutons, tests, informatique, et lui devait leur répondre expérience mécanique, instinct, oreille...

    1970 dans nos contrées innocentes.
    Les cartes postales nous envoyaient l'image d'un folklore ensoleillé de chapeaux et franges à touristes sur fond de country, de noms inconnus, de territoires épicés.

    Au retour, il y avait sur les photos d'immenses voitures aux carrosseries droites et lisses (si loin de l'AMI 6 de mon institutrice), mon père en lunettes de soleil et pan de chemise battant au souffle brûlant du désert, et ces montagnes érodées aux teintes violettes. Les cactus d'Arizona, le Grand Canyon et ses roches taillées par le temps, et tout au fond le filet rouge du Colorado chargé de leur sable. Et puis des paquets, avec des objets indiens et des poupées au visage rouge, aux cheveux noirs nattés de plumes...

    Plus de trente-cinq ans que ces photos dorment dans leur placard, avec les cartes postales et mes étonnements d'enfant.
    Un jour mon père ne sera plus, emportant avec lui ses souvenirs, ses pas allant rejoindre ceux des indiens nulle part où plus rien n'existe. Il me restera quelques objets, et un attachement bizarre à ce pays que je ne connais pas, ses voitures trop grosses, trop bardées de chromes, trop fardées de couleurs, à cette culture qui n'en est pas une à force d'en assimiler.

    Allez savoir...